26 octobre 2024
Il y a énormément d’organes dans le corps humain, dont on ignore la présence et qui ne servent à rien. Et vous savez ce que c’est tout ça ? Ni plus ni moins que le reliquat de vie très anciennes. Des traces de l’évolution !
Voici un sujet peu ordinaire mais qui m’a tellement passionnée que je me hâte de vous le livrer. Savez-vous que nous partageons, avec toutes les espèces du vivant (mammifères, oiseaux, reptiles, etc), des ancêtres communs ? Et que nous portons tous en nous, les traces de cet incroyable héritage ? C’est ce que m’a révélé Guillaume Lecointre, qui est zoologiste et systématicien (son travail, pour le Museum national d’Histoire naturelle, consiste à classer les espèces du vivant). Il vient de sortir un livre passionnant , « Petit traité d’anatomie superflue » (Ed Delachaux et Niestlé) ou l’évolution à travers le corps : 235 pages plutôt érudites mais dont je vous livre ici un résumé.
Le corps humain est loin d’être parfait
On se représente toujours le corps humain comme une machine bien huilée et tout est mis en œuvre pour la rendre aussi performante que possible. En réalité, nos corps sont truffés d’inutile. La nature est loin d’être aussi bien faite qu’on le dit !
On oublie souvent que le corps humain a une histoire partagée avec celle du vivant. Par conséquent, il porte en lui les traces de ce passé millénaire : des « restes » d’organes (os, muscles …) qui étaient fonctionnels jadis, mais chez des ancêtres très, très éloignés, qui remontent avant l’époque de l’être humain, soit à plus de 300.000 ans !!! Certains sont visibles, d’autres invisibles.
Les vestiges de ce passé sont parfois communs à tous (les scientifiques parlent alors d’ « atavismes constants »). Nous portons tous en nous 12 organes anciens, inutiles ou superflus. D’autres sont présents uniquement chez quelques-uns (ce sont les « atavismes inconstants ». On en dénombre 18). La plupart du temps, ils sont sans impact sur le corps. Mais parfois, il peut arriver qu’ils provoquent de véritables handicaps.
Mais pourquoi sont-ils toujours dans nos corps alors qu’ils ne servent à rien ? « Eh bien, parce qu’un organe qui a été présent chez nos ancêtres mais qui n’a plus d’utilité ne disparaît au cours de l’évolution d’un coup de baguette magique. Cela prend du temps, surtout si la présence de l’organe ne coûte rien en termes de survie » explique Guillaume Lecointre.
Voici quelques exemples de cet étonnant héritage adaptatif …
10 organes ou réflexes du corps complètement inutiles, hérités d’un passé millénaire
La liste est longue, donc voici un petit « best of ».
La chair de poule, reliquat d’une ancienne fourrure
Lorsque nous avons froid, nos poils se redressent. Ce réflexe est permis grâce à un muscle lisse associé à chaque poil, appelé « muscle arrecteur ». Cette fonction sert à emprisonner de l’air entre la surface de la peau et celle de la fourrure ou du plumage. L’air est un excellent isolant thermique, si bien que les animaux limitent ainsi leurs pertes de chaleur. Mais l’humain n’ayant pas de fourrure, la chair de poule ne lui sert plus à rien !
Des muscles dans les oreilles comme à l’époque où on les agitait
Tous les chirurgiens esthétiques qui réalisent des otoplasties (chirurgie des oreilles décollées) adorent vous raconter l’histoire de ces trois ligaments vestigiaux qui attachent le pavillon de l’oreille au crâne, et qui permettaient, comme chez le chien, le cheval ou l’éléphant, de bouger légèrement les oreilles pour écouter, indiquer notre humeur, ou chasser les mouches. Certains y parviennent encore un tout petit peu et font l’attraction dans les soirées. Mais aujourd’hui, on a les muscles faciaux et les postures corporelles pour exprimer notre mood. Et, pour chasser les mouches, des tapettes au rayon ménager !
9 vertèbres qui auraient dû former une queue
A la 6 ème semaine de développement de l’embryon humain, une queue constituée de 9 vertèbres (équivalent à 1/6 ème de la longueur totale du corps, tout de même !) apparaît. A la 8 ème semaine, cette queue se résorbe. Les quatre dernières vertèbres disparaissent et les cinq restantes fusionnent pour former le coccyx, qui reste fixe. Il persiste toutefois dans ce dernier deux petits muscles qui servaient jadis à bouger la queue. Ce vestige serait celui d’un passé de … singe à queue !
Des tétons surnuméraires, souvenirs de multiples paires de mamelles
Ces tétons en trop ne sont pas rares. Les médecins les voient comme pathologiques mais ils sont absolument sans danger pour la santé. Le mamelon (ou seulement son aréole) se situe sur la ligne des tétons qui s’étendent de l’aisselle à l’aine, comme chez tous les mammifères, qui en ont plusieurs paires. Ces vestiges remontent à plus de 65 millions d’années. L’humain a conservé un patron de développement qui exprime au départ un potentiel de plusieurs paires de mamelles comme chez le chien, le rat ou … la truie !
Des muscles dans la lèvre supérieure hérités d’anciennes moustaches
Voilà un point commun que certains partagent avec leur matou. Environ 35 % des humains encore possèdent des muscles vibrissaux dans la lèvre supérieure, vestiges des nombreuses vibrisses (ou poils sensoriels de grande taille) qui ornent les babines de nombreux autres mammifères. On date leur disparition à 43 millions d’années !
Des dents de sagesse, vestige d’une époque où on utilisait beaucoup plus nos dents
Nous avons tous 32 dents (enfin, normalement !), parmi lesquelles 3 molaires. La « dent de sagesse » est la troisième, et selon toute vraisemblance, elle serait un petit souvenir des temps anciens. « Les molaires étaient autrefois robustes chez les primates hominoïdes qui mangeaient des végétaux coriaces et de la viande crue. L’Australopithecus Robustus avait un volume dentaire énorme comparé au nôtre et l’émail le plus épais que l’on connaisse chez les primates ! » rapporte Guillaume Lecointre. Puis avec la maîtrise du feu et la cuisson des aliments, les besoins de mastication ont diminué. L’apparition d’outils de plus en plus diversifiés ont aussi fait disparaître l’usage des dents. C’est ainsi que leur volume a diminué, tout en s’accompagnant d’un raccourcissement et d’un recul de la face. Bref, on a aujourd’hui, beaucoup trop de dents pour ce qu’on en fait !
Un renflement sur le dos de la main ou du poignet, souvenir d’une vie à 4 pattes
Il signe la présence d’un muscle surnuméraire, le muscle manieux, présent chez 2% à 3 % de la population mondiale, le plus souvent sur une des deux mains seulement. C’est un bon exemple d’atavisme inconstant. Il serait l’homologue à la main du muscle pédieux du pied qui permet d’étendre les orteils. Sans doute un reliquat de l’époque où la main marchait, soit aux origines de la tétrapodie, vers – 370 millions d’années !
Un hoquet hérité du têtard
A un certain stade de leur développement, les têtards amphibiens ont la double possibilité de respirer dans l’eau grâce à leurs branchies et de respirer de l’air grâce à leurs poumons. Le hoquet est le mécanisme qui leur permet de passer d’un mode à l’autre. Nous avons conservé ce « centre de contrôle » cervical qui remonte à 370 millions d’années ! Certains d’entre-nous parviennent à stopper le hoquet en inspirant une grande quantité d’air puis en retenant leur souffle. Ce faisant, ils bloquent le muscle qui est celui qui permettait au têtard d’inspirer de l’eau !
Un muscle transverse du thorax comme chez les reptiles
Nous possédons tous, au niveau du thorax, un muscle transverse, plat, en éventail, qui est situé derrière le sternum. C’est un homologue du muscle avec lequel le lézard ouvre sa cage thoracique pour ventiler ! Depuis 220 millions d’années, le transverse du thorax ne sert plus à rien dans notre lignage de mammifères, les mouvements d’inspiration et d’expiration étant assurés par le diaphragme. Mais il est toujours là !
Un réflexe de préhension du nouveau-né caractéristique des primates
Si vous avez déjà glissé un petit doigt dans la paume d’un nourrisson, vous avez noté qu’il le saisit immédiatement et le serre très fort. Cette poigne est du reste assez surprenante pour un aussi petit gabarit … Eh bien, ce réflexe vient des primates qui ne portent pas leurs petits dans leurs bras quand ils marchent, mais sur leur ventre ou leur dos. Pour ne pas tomber, ces derniers s’accrochent très fort au pelage maternel. Nous n’avons plus de fourrure depuis 2 à 3 millions d’années donc plus besoin de s’agripper comme ça, mais c’est mémorisé dans notre corps !
L’expert
Guillaume Lecointre
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