11 décembre 2024
La story de ces cosmétiques démarre à peine. Mais vous pouvez me croire, ce mot « thérapeutique », vous allez l’entendre très, très souvent à l’avenir. De quoi s’agit-il ?
Une nouvelle classe de cosmétiques
Des formules à l’efficacité + formulés avec des standards approchant ceux du médicament, pour répondre à des exigences de santé. Oui, l’ère nouvelle en cosmétique, c’est de se rapprocher du médical. Alors, vous allez me dire, il existe déjà les dermocosmétiques et les cosméceutiques. Qu’ajouter à l’histoire ? En effet, les deux catégories sont déjà bien implantées dans le monde des blouses blanches, avec des produits développés avec le concours de dermatologues ou d’autres spécialistes.
Alors, qu’apportent les « thérapeutiques » de plus ? Eh bien, la catégorie veut aller plus loin encore et s’inscrire véritablement dans la prise en charge médicale du patient, faire partie intégrante de son protocole de soin, études cliniques à l’appui bien sûr, pour valider l’efficacité et la sécurité des formules.
Mais attention, rien à voir avec le cosmétique labellisé dispositif médical (DM), genre le produit solaire SPF 100 recommandé par le dermato aux patients atteints de cancers cutanés. « Le DM a une action purement mécanique, voire physique, et non pharmacologique. Le cosmétique thérapeutique, lui, se rapproche du médicament » décrypte le Dr Markéta Saint Aroman, directrice médicale monde, Pierre Fabre Dermo-cosmétique.
C’est un cosmétique qui est prescrit dans le cadre de maladies chroniques comme l’eczéma atopique, le vitiligo, le psoriasis, l’insuffisance veineuse, le diabète … ; les formes sévères de maladies (comme l’acné très inflammatoire) ou des maladie dures comme les cancers.
Il accompagne le traitement médicamenteux pour en adoucir les effets secondaires qui peuvent être parfois difficiles à vivre (comme l’extrême sécheresse cutanée consécutive aux traitements oncologiques) ou atténuer les symptômes de la maladie (rougeurs, démangeaisons …) ou accélérer la cicatrisation post-op (style les cicatrices d’épisiotomie, en gynécologie) ou encore permettre, grâce à leur molécules actives, de réduire un peu les doses de médicaments prescrits. «Dans la formule d’Exomega Control Crème Nuit d’A-Derma par exemple, que nous conseillons dans la dermatite atopique, nous utilisons des molécules qui ont un mode d’action semblable à celui des médicaments, les anti-JAK, utilisés pour contrôler l’inflammation. Les nôtres sont tirés de plantes et n’entraînent pas d’effets secondaires. Ils pourraient donc être combinés aux anti-JAK pris par voie orale en vue d’atténuer les effets indésirables » explique Markéta Saint Roman.
Mais c’est bien légal ça, un cosmétique « thérapeutique » ?
Bah, non. Pour l’instant, ça ne l’est pas. Le cosmétique ne traite que la peau saine, et non la peau malade. C’est donc un nouveau sillon qui se creuse en dehors de tout cadre réglementaire. Mais c’est un peu la tendance en ce moment. En médecine esthétique aussi, on applique pendant certains actes, type microneedling ou laser fractionné, des cosmétiques qui ne sont pas étudiés du tout pour un passage transcutané, …
A voir comment la DGCCRF (Direction Générale de Concurrence et de la Répression des Fraudes) accueillera ces nouvelles initiatives.
Cette nouvelle classe de produits va toutefois dans le sens de l’histoire. Les médecins recherchent des cosmétiques qui peuvent accompagner avec un meilleur service rendu les traitements de leurs patients, les patients des cosmétiques qui peuvent les affranchir des médicaments en cette période de pénurie de spécialistes et les laboratoires cosmétiques des produits qui peuvent leur ouvrir de nouvelles opportunités de business.
Qu’en disent les médecins de ces nouveaux cosmétiques thérapeutiques ?
« C’est intéressant pour accompagner les traitements. Du reste, ces combinaisons sont déjà ce que nous faisons de façon instinctive, pour réduire la posologie de nos médicaments, diminuer leurs effets secondaires, baisser aussi parfois le coût du traitement qu’entraînent certaines molécules onéreuses ou tout bonnement accélérer leur efficacité, selon la logique du 1 + 1 = 3. On ne fait plus beaucoup de mono traitement aujourd’hui. Je propose par exemple, depuis longtemps, dans l’acné, des peelings au début d’une prescription d’isotrétinoïne – Roaccutane – pour limiter la flambée des lésions au cours des trois premiers mois. Mais il faudra étudier de près les dépenses qu’entraînent ces cosmétiques thérapeutiques, forcément plus chers que des formules lambda, et voir aussi si leur utilisation ne privera pas le patient d’une prise en charge par l’Assurance Maladie. Dans l’acné par exemple, l’isotrétinoïne est remboursée sur la base de la dose cumulée totale que la durée du traitement entraîne. Si on réduit cette dose, le médicament est hors AMM et n’est donc plus pris en charge » explique Martine Baspeyras, dermatologue.
En prime, si cosmétique thérapeutique il y a, il faudra organiser le conseil en pharmacie. Et peut-être même à terme, si les autorités soutiennent bien le concept, envisager une part de remboursement ?
Bref, le cosmétique thérapeutique, on n’y est pas encore complètement mais l’idée fait son chemin. Et ce, dans toutes les marques dermo-cosmétiques bien implantées du marché (Avène, La Roche-Posay, Bioderma, etc). Dans les deux années qui viennent, la catégorie devrait s’organiser. Les laboratoires cosmétiques et pharmaceutiques puissants savent s’entourer des médecins leaders d’opinion qui font avancer les choses …
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Les expertes
Dr Markéta Saint Aroman et Dr Martine Baspeyras
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