17 juillet 2025
L’Académie des Médecine alerte sur cette technique chirurgicale qui consiste à modifier de façon définitive la couleur des yeux. Elle est risquée. Si vous étiez prêts à succomber, lisez plutôt.
La kératopigmentation des yeux, qu’est-ce c’est ?
La couleur des yeux est génétiquement déterminée, mais il est possible grâce à une technique chirurgicale de la modifier de façon définitive en insérant des pigments dans l’épaisseur de la cornée (la couche la plus externe et transparente de l’œil). Initialement, la kératopigmentation servait à améliorer l’esthétique des yeux non voyants. Puis, il y a environ dix ans, des petits malins se sont dit que d’autres aimeraient certainement en bénéficier aussi pour des raisons esthétiques, et c’est ainsi qu’un juteux business s’est développé. De fait, qui ne s’est jamais rêvé avec des yeux bleus ? Reste que cette intervention est loin d’être anodine …
Comment change t-on la couleur de l’iris ?
Le geste est pratiqué au bloc de chirurgie ophtalmologique sous stricte asepsie, après instillation d’un collyre anesthésiant. Le médecin utilise ensuite le laser femtoseconde (celui employé notamment dans la chirurgie de la myopie) pour créer un tunnel dans l’épaisseur de la cornée, qui suit suit les contours de l’iris. Un pigment médical, stérile, de la couleur choisie par le patient, y est ensuite injecté. Liquide, il se répand tout de suite dans la cavité crée. L’intervention pour les deux yeux, non douloureuse, prend une quinzaine de minutes.
Quelles sont les suites de l’intervention ?
Un collyre antibiotique est appliqué. Il est recommandé au patient d’éviter de recevoir de l’eau dans les yeux, de se maquiller et de pratiquer le sport pendant toute la durée de la cicatrisation (soit a minima 10 à 15 jours). Comme dans toutes les opérations qui touchent la cornée, une légère gêne oculaire (sècheresse, éblouissement, sensation de grain de sable, etc.), est possible pendant 24 à 72 h.
Pourquoi la kératopigmentation n’est pas conseillée ?
1/Le résultat manque singulièrement de naturel
Et pour cause, il est impossible d’injecter le pigment en suivant exactement les contours de iris. Du coup, il persiste toujours un liseré de la teinte initiale autour de la zone cornée pigmentée qui recouvre l’iris naturel, ce qui n’est pas du plus bel effet. Par exemple, un liseré marron autour de votre nouveau regard bleu lagon. Par ailleurs, contrairement au véritable iris qui présente des multiples variations de teintes, ce qui le rend absolument unique, la couleur apportée par la kératopigmentation est homogène et opaque. Elle masque complètement la vôtre et ce, de façon pas très, très naturelle.
Par ailleurs, il a été rapportée que la couleurs pigments pouvait s’affadir avec le temps, parfois après quelques mois seulement ! « S’il est techniquement possible de la rectifier, en ajoutant ou en retirant du pigment, cette nouvelle intervention sur la cornée qui n’apprécie pas du tout les corps étrangers, est encore plus scabreuse » indique le Dr Christophe Orssaud, Responsable de L’unité Fonctionnelle d’Ophtalmologie à l’Hôpital Européen Georges-Pompidou, à Paris.
2/La kératopigmentation gêne les examens ophalmo
La technique crée une sorte de « faux iris » coloré sur la cornée, au diamètre fixe, alors que la vraie pupille se dilate et se contracte. Lors d’un examen, cela peut donc gêner le médecin qui ne voit pas très bien à l’intérieur de l’œil certaines structures internes comme le cristallin, la rétine, etc. Un problème quand même, non ? Surtout s’il y a des antécédents ophtalmologiques dans la famille (décollement de rétine, glaucome, etc.) ! Là, ce genre d’intervention est franchement déconseillé.
3/Elle contre indique aussi l’IRM
Certains pigments peuvent contenir du métal et occasionner un risque de brûlure lors d’une IRM. Or qui dit que vous n’aurez pas besoin de cet examen très courant, au cours de votre vie ?
4/La kératopigmentation empêche certaines interventions ophtalmologiques courantes
C’est le cas notamment de la chirurgie réfractive, qui est tout de même très demandée aujourd’hui pour traiter la myopie, l’hypermétropie, l’astigmatisme. « De fait, en amincissant la cornée, on s’expose à une fuite du pigment » explique le Dr Orssaud.
5/La kérapigmentation peut entraîner à terme une baisse de la vue
L’Académie de Médecine s’interroge sur les risques à distance de ces corps étrangers placés dans la cornée. La couche la plus postérieure de la cornée supporte mal ce type d’agression et elle peut perdre ses cellules. Le risque est alors que la cornée s’épaississe et perde en transparence. De plus ce faux iris peut entraîner une baisse de la vision, notamment nocturne. « La nuit, la pupille se dilate pour laisser entrer davantage de lumière dans l’œil et le problème, c’est que l’anneau coloré reste fixe. Chez le patient jeune, cela ne pose pas de problème majeur, mais avec l’âge, on a besoin de plus de lumière pour optimiser sa vision nocturne » explique le Dr Christophe Orssaud.
Bref, aux vues de toutes ces incertitudes à court, moyen comme à long terme, l’Académie de Médecine met sérieusement en garde contre la pratique de cette intervention. Il est indispensable que tous les risques soient rappelés au patient avant de signer tout devis.
En prime, la kératopigmentation est loin d’être un acte abordable. On est dans les prix d’un lifting, autour de 7000 €.
Mais méfiez-vous des propositions de certains ophtalmologues à l’étranger, qui cassent les prix. Vous n’avez aucun moyen d’apprécier leur compétence, donc la qualité de leur prise en charge. Quant au suivi, en bénéficierez-vous si vous avez la moindre complication ?
« La kératopigmentation intéresse surtout un public jeune, qui a devant lui, au moins 40 ans d’espérance de vie. Il faut donc très sérieusement réfléchir avant de s’engager ! » conclut le Dr Orssaud.
Pour plus d’infos : https://www.academie-medecine.fr/la-kerato-pigmentation-des-yeux-un-essor-qui-nest-pas-sans-risques/

L’expert
Dr Christophe Orssaud
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