4 février 2025
Comme bien souvent dans les grandes inventions, l’action de la toxine botulique sur les rides a été découverte par hasard. C’est en traitant un clignement incontrôlé des paupières sur une patiente que cette dernière fait remarquer au Dr Carruthers que ses rides entre les yeux sont moins marquées depuis qu’elle a démarré les séances. Jean, surprise, décide alors de piquer les rides du lion de sa secrétaire, qui s’est portée volontaire, pour vérifier l’efficacité du produit. Total succès ! Les recherches se poursuivent alors avec son mari, Alastair, qui est dermatologue. Et c’est ainsi que démarre la fantastique histoire du plus efficace des antirides ! C’était il y a près de 40 ans, en 1987.
Dr Carruthers, certaines personnes ont encore une peur bleue du Botox ? Comment les rassurer ?
C’est parce qu’elles ont en tête le poison ! De fait, la toxine botulique produite par la bactérie Clostridium botulinum en est un, extrêmement puissant et mortel. Mais dans les années 40, la molécule a été purifiée, c’est à dire que l’on a isolé la protéine toxique de la bactérie. Ensuite, dans les années 70, le Dr Alan Scott, un ophtalmologue américain, dont j’ai été l’élève, l’a transformée en un médicament révolutionnaire, en la délivrant à de très faibles doses. Depuis lors, la toxine botulique a fait l’objet d’une énorme recherche et développement. Le médicament réunit aujourd’hui plus de 5500 publications scientifiques dans des revues à comité de lecture et près de 25.000 personnes ont été enrôlées dans des essais cliniques prospectifs randomisés. On peut donc être rassuré.
Est-ce que le Botox est toujours aussi efficace après plusieurs années d’injection ?
Absolument, il ne perd rien de sa performance mais les doses de Botox doivent être réadaptées au fil des années car la peau et les muscles vieillissent.
On parle d’une résistance au Botox chez certains patients. Existe t-elle vraiment ?
Il y a des personnes qui présentent naturellement une résistance à la toxine botulique mais elles sont extrêmement rares. En 40 ans d’utilisation de tous les types de neuromodulateurs, j’ai eu affaire à seulement 4 patients non-répondeurs.
Que penser des nouvelles toxines lancées récemment ?
Je n’ai pas eu l’occasion de les utiliser car elles ne sont pas encore disponibles dans mon pays, le Canada. Elles le sont en, revanche en Europe. Mais de l’avis des personnes qui mènent les études sur ces produits, ils semblent apporter un plus. Parmi ces nouvelles toxines botuliques de type A, certaines agissent extrêmement rapidement. Plus besoin de patienter 48 h, l’efficacité est visible le jour même de l’injection. D’autres ont une durée de vie plus longue, 6 mois au lieu de 4 mois. Et une nouvelle toxine, de type E, qui devrait arriver sur le marché courant 2026, offrira une durée de vie, très courte, de 2 semaines, pour les patients qui veulent tester l’effet avant de s’engager plus avant ou qui recherchent un effet ponctuel en vue d’une soirée, d’un mariage, etc. Je pense qu’il est intéressant pour les médecins d’avoir plusieurs produits à proposer à leurs patients. Ceux qui voyagent souvent choisiront celui qui dure le plus longtemps pour être tranquilles, les angoissés opteront pour celui à courte durée de vie, etc. Cette variété de toxine botulique pourra être utilisée aussi en injection autour des articulations pour soulager des douleurs musculaires, en remplacement des opiacés.
Quel avis portez-vous sur ces injections fantaisistes qui permettent d’affiner les mollets ou de faire un cou plus élancé (Barbie Tox) ?
Ces gestes sont couramment pratiqués en Asie chez une jeune patientèle qui cherche à améliorer son look. Les résultats sur les mollets notamment sont spectaculaires. Avec des talons, les jambes paraissent vraiment plus fines et élancées. Mais personnellement, je ne réalise pas ce type d’injections car mon objectif est plutôt de préserver les muscles. N’oublions pas que l’on perd 10 % de masse musculaire chaque décennie !
L’experte
Dr Jean Carruthers
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