24 octobre 2020 – Mise à jour le 11 mars 2023
Les actifs cosmétiques couramment utilisés par les dermatologues et les médecins esthétiques sont aujourd’hui repris par toutes les marques cosmétiques, qui cherchent de plus en plus à se « médicaliser », concurrence oblige. Mais les utilise t-on toujours bien comme il faut ?
Marques cosmétiques et dermatologues esthétiques n’œuvrent pas toujours avec le même objectif. Si la quête d’une belle peau est commune aux deux, la marque a surtout l’obligation d’offrir un produit qui reste confortable, puisqu’elle s’adresse au plus grand nombre. Exit donc les concentrations d’ingrédients trop actives susceptibles d’entraîner des irritations chez madame Michu (« C’est quoi ce truc qui pique ! Bam ! Poubelle ! »). Ce que l’on vise, c’est la « juste dose »: comprenez « la concentration à laquelle on a atteint une efficacité sans problèmes ». Dans les marques « très grand public », c’est le risque zéro qui prime. D’autre part, l’efficacité ne doit rien sacrifier à la galénique (la texture) qui doit toujours rester délicieuse, ne serait-ce que pour justifier la dizaine (voire centaine d’euros) dépensés. Et l’on vous invite souvent à suivre un rituel, qui comprend généralement plusieurs gestes : nettoyant, crème de jour, crème de nuit, crème contour des yeux, masque, crème cou … Il n’y en a jamais assez 😉
Du côté du dermatologue esthétique, c’est l’efficacité qui est recherchée avant tout, quitte à sacrifier sur la tolérance (toutes proportions gardées bien sûr, il n’est pas non plus question d’irriter la peau !). Les produits utilisés sont plutôt issus de la cosméceutique (à mi-chemin entre le cosmétique et le médicament). Là, l’esprit, c’est plutôt « une problèmatique, une réponse ». Rien de superflu. Et l’on s’affranchit plus volontiers des recommandations émises par la Commission Européenne, en termes de concentrations d’actifs. Vendus de façon plus confidentielle, sur prescription des médecins et des dermatologues esthétiques, les risques de mésusage sont plus limités. Et un petit picotement et une légère rougeur transitoires ne sont pas de nature à inquiéter le spécialiste, qui informera sa patiente des possibles effets secondaires de la formule. L’important est que cette dernière s’y habitue après quelques applications, ce qui se fait en général sans difficultés puisque : « C’est le docteur qui l’a dit !« .
Bref, tout ça pour vous dire que les recommandations des marques cosmétiques ne sont pas toujours équivalentes à celles des dermatologues. J’ai essayé de faire la synthèse des deux deux points de vue. Maintenant, si vous avez des questions spécifiques par rapport à votre peau, filez faire un diagnostic de peau chez le dermato !
TOUT SUR LA VITAMINE C
Propriétés : antioxydante, antirides, anti-taches, éclat du teint
Mode d’action : elle lutte contre les radicaux libres (action antioxydante), booste le métabolisme de synthèse des fibroblastes (cellules de jeunesse de la peau), agit sur l’enzyme tyrosinase pour contrôler la production de la mélanine et éviter les taches.
« La vitamine C dite « pure » est l’acide ascorbique qui est très instable en présence d’eau. Donc, a priori on ne la trouve pas dans des crèmes, mais sous la forme d’un mélange extemporané. Comprenez deux fioles, avec la poudre d’un côté, un liquide de l’autre, à mixer juste avant l’application pour conserver le potentiel actif de l’ingrédient intact » explique Lionel de Benetti, cosmétologue. Exemple : Mésolift C15 Concentré Extemporané de Liérac. L’ingrédient est généralement dosée entre 2 et 3 % dans les formules cosmétiques. Mais compte tenu de ces contraintes, la vitamine C pure est peu utilisée dans les formules. On lui préfère ses dérivés, qui ont l’avantage d’être aussi meilleur marché.
Alternative : les dérivés de la vitamine C pure stabilisés, comme le tetra isopalmitate ou l’ascorbyl glucoside (vitamine CG), le magnésium ascorbyl phosphate (vitamine PMG) ou encore l’éthyl ascorbyl éther. A concentration identiques, ils sont moins efficaces que la vitamine C pure. Il faut donc les doser davantage. D’où certains pourcentages qui s’envolent (C-Shot 30 % de Neauvia). Il faut cependant vérifier dans la liste INCI des ingrédients quelle est la nature de la vitamine C en question.
Certains dérivés utilisent aussi la présentation en mélange extemporané, mais là c’est surtout pour faire croire que …
Pour quelles peaux ? Toutes, la vitamine C est très bien tolérée
A partir de quel âge ? Plus tôt on utilise une protection protection antioxydante, mieux c’est. « Si une jeune femme de 15/16 ans cherche une crème pour sa peau et qu’elle habite une grande métropole par exemple, je peux tout à fait lui prescrire de la vitamine C, avec la recommandation d’ajouter un écran solaire par-dessus, pour préserver encore plus efficacement la jeunesse de sa peau » rapporte le Dr Isabelle Rousseaux, dermatologue.
Quand ? Le matin ou le soir
Comment ? En sérum ou en crème. Les dermatologues recommandent souvent de glisser un sérum antioxydant (comme la vitamine C justement) sous la crème de jour, pour lutter contre les effets délétères de la pollution et des UV. En revanche les nettoyants à la vitamine C (que l’on voit de plus en fleurir au rayon beauté) ne sont pas d’une grande utilité, puisque l’actif est rincé. Il n’a pas donc pas le temps d’agir (marketing quand tu nous tiens).
TOUT SUR LE RETINOL (vitamine A)
Propriétés : antirides, anti-imperfections.
Mode d’action : Le rétinol pur existe mais il est difficile à formuler. Les trois formes les plus utilisées sont le rétinyl acétate, le rétinyl palmitate et le rétinaldéhyde. Le troisième est le mieux toléré (Physiolift Baume Nuit d’Avène). Tous sont des précurseurs de l’acide rétinoïque (la fameuse « vitamine A acide » prescrite par les dermatologues). Ils stimulent le turn-over cellulaire et restructurent le derme (action anti-âge). Les concentrations habituelles en cosmétique sont comprises entre 0, 5 % et 1 %, ce dernier dosage étant surtout utilisé par les dermatologues esthétiques. A 1 %, l’efficacité du rétinol (Dermaceutic, Paula’s Choice, Typology ou Zein Obagi chez les médecins) se rapprocherait en effet de celle de la vitamine A acide dosée à 0, 05 %, sans en avoir les inconvénients. Mais si vous n’êtes pas suivie sur le plan dermato, on vous conseille d’en rester à une concentration classique, plus sécurisante.
Alternative : le Bakuchiol, extrait du Babchi, une plante d’origine indienne, qui présente l’intérêt d’être moins irritant que le rétinol (Clinical 0, 3 % Retinol + 2% Bakuchiol Treatment de Paula’s Choice). « Problème : l’actif végétal est aujourd’hui suspecté d’être un perturbateur endocrinien. Beaucoup de marques se tâtent donc, à tort ou à raison, à le glisser encore dans les formules » souligne notre expert ès-cosméto.
A partir de quel âge ? On préconise généralement l’actif autour de 35/40 ans pour ses vertus anti-âge, mais les dermatologues l’utilisent aussi sur les adolescents atteints d’acné. « Le rétinol fonctionne particulièrement bien sur les acnés rétentionnelles, avec beaucoup de points noirs car le tissu est remanié en profondeur » précise le Dr Rousseaux.
Quand ? Le soir. La molécule sensibilise l’épiderme. Mieux vaut donc ne pas s’exposer aux UV juste après. Et le lendemain matin, c’est SPF obligatoire (de toute façon, pour les dermatos, la protection solaire est utile tous les jours). Lire ici : La meilleure crème antirides ? Un écran solaire !
Comment ? Le produit peut picoter, notamment sur les peaux fines. Si c’est le cas, espacez les applications (un jour sur deux ou sur trois, par exemple) et évitez les « layerings » (superpositions de produits) peu judicieux, du type un sérum au rétinol + une crème au rétinol = une simple overdose de rétinol ! En revanche, si votre peau supporte bien l’actif, il peut être utilisé au long cours. « Il est très intéressant notamment pour traiter le « code barre », les rides verticales de la lèvre supérieure » indique le Dr Rousseaux. Les dermatologues vont jusqu’à combiner la molécule aux AHA, mais uniquement pour traiter des problèmes sévères, comme l’héliodermie par exemple (= peaux très abîmées par le soleil), car ils ont un mode d’action qui peut être complémentaire. « On les mélange au sein d’une même préparation et on les applique jusqu’à amélioration de l’état cutané ou on alterne une cure de l’un, une cure de l’autre » indique le Dr Isabelle Rousseaux. Chez vous, mieux vaut éviter les mélanges. Préférez les cures alternées, par exemple 3 semaines de rétinol, 3 semaines d’AHA. Cette combinaison peut-être intéressante sur des peaux matures déjà habituées à ces actifs. Un nettoyant aux AHA + une crème au rétinol ? Rien de grave puisque le produit aux AHA est rincé.
TOUT SUR LES AHA (Alpha-Hydroxy-Acides)
Propriétés : ils adoucissent et lissent le micro-relief cutané, éclaircissent le teint. Ils sont particulièrement recommandés aux peaux acnéïques pour lever les bouchons cornés et à toutes les autres peaux pour retrouver un teint plus lumineux. Le plus connu et le plus utilisé est l’acide glycolique, extrait de la canne à sucre. Mais il existe aussi l’acide malique (extrait de la pomme), l’extrait mandélique (extrait de l’amande). Plus que la concentration en AHA, ce qui compte surtout dans ce genre de produit, c’est le pH. La peau ayant un pH de 5, 5, il faut l’acidifier suffisamment pour bénéficier d’une activité kératolytique (= exfoliante), mais pas trop non plus pour ne pas être (trop) irritant. En Europe, la recommandation est de ne pas excéder une concentration de 10 % en AHA et un pH de 3,5 (type Revitalift Laser x 3 : Cure 7 Jours Ampoules Effet Peeling de L’Oréal Paris). Mais libres aux laboratoires de la suivre (ou pas !). Les marques de « cosméceutiques » (formules à mi-chemin entre le cosmétique et le médicament) utilisées par les médecins esthétiques offrent généralement des pourcentages qui vont bien au-delà : 15 %, voire 20 % (High Potency Cream 20 Bionic/AHA de Neostrata) et même 30% (Stim Renew d’Eneomey). Le pH, en revanche, n’est jamais indiqué sur les flacons. Dommage, c’est le genre de détail qu’on aimerait bien connaître. Par exemple, au-dessus d’un pH 3, 5, les produits sont peu efficaces.
Alternative :
- Les BHA (Bêta-Hydroxy-Acides), comme l’acide salicylique, sont généralement prescrits aux peaux grasses à imperfections car ils régulent en même temps la sécrétion de sébum.
- Les PHA (Poly-Hydroxy-Acides, type gluconolactone), sont plus doux pour la peau (donc plus adaptés aux peaux sensibles). Revers de la médaille : ils sont moins efficaces aussi. A noter : il existe des mélanges AHA/PHA (type Night Switch PHA/AHA de Lixirskin), produits que l’on imagine a priori mieux tolérés que les AHA seuls.
Mode d’action : les AHA (et assimilés) agissent en dissolvant les cornéodesmosomes (= ponts reliant les cellules mortes entre elles), activant ainsi le renouvellement cellulaire.
A partir de quel âge ? Dès l’adolescence, en cas de problème d’acné. Sinon, à partir de la trentaine pour raviver un teint qui manque d’éclat.
Quand ? Le matin et/ou soir pour les nettoyants. Sinon, tous les autres produits, le soir.
Comment ? Lotion, crème, disques … Choisissez la forme qui vous convient le mieux, parce que tout ça c’est du pareil au même. Les peaux acnéïques et les peaux matures qui les supportent bien peuvent les utiliser au long cours. Pour un coup d’éclat, on préconise une cure sur 3 à 4 semaines. »En dermato, on commence avec une concentration de 8 à 10 %, puis si la peau les tolère bien, on monte à 15 % (type Face Cream Plus 15 AHA de Neostrata). On fait toujours les choses progressivement. Le 20 % ou le 30 % est beaucoup plus difficile à supporter. Il est plutôt réservé au traitement des héliodermies. Les AHA aident aussi à préparer la peau avant les peelings, à abaisser le pH justement, pour ne pas lui causer un choc trop violent. C’est à ce moment là que l’on voit aussi si la peau les supporte bien. Ce n’est pas toujours le cas. Ils ne sont pas très conseillés par exemple sur un épiderme qui présente de la rosacée. Par ailleurs, les allergies aux AHA existent ! » détaille le Dr Rousseaux.
« Si le produit picote un peu trop, on peut tout de même choisir l’option de basculer sur les PHA » indique le Dr Michel Lemaître, dermatologue. Sinon, essayer cette astuce de Lionel de Benetti : « appliquer une crème pour peaux intolérantes, contenant un anti-inflammatoire, juste après les AHA ».
Le nettoyant aux AHA peut être utilisé toute l’année, de toute façon il est rincé, donc peu efficace. En revanche, évitez de nettoyer votre visage avec du savon de Marseille avant d’appliquer une crème aux AHA. Primo, parce que le vrai savon, c’est décapant. Deuzio, parce qu’il neutralise l’action des AHA. Eviter aussi de l’appliquer sur une peau mouillée. Cette dernière étant plus perméable, le produit risque de picoter davantage.
TOUT SUR L’ACIDE HYALURONIQUE
Propriétés : hydratantes
Mode d’action : Il capte l’eau comme une éponge (jusqu’à 100 fois son poids). Le véritable acide hyaluronique est cependant difficile à formuler. Les marques cosmétiques utilisent plus volontiers le hyaluronate de sodium généralement dosé entre 0, 1 % et 3 %. Ensuite, il faut distinguer le haut poids moléculaire (pour une hydratation de surface) du bas poids moléculaire (acide hyaluronique fragmenté qui pénètre jusqu’aux couches profondes de l’épiderme, où il stimule aussi la synthèse d’acide hyaluronique naturel dans la peau), plus onéreux. Ceci dit, la molécule a surtout la côte auprès du grand public. En dermatologie esthétique, l’acide hyaluronique qui intéresse les spécialistes est surtout celui qui s’injecte, aux propriétés autrement plus intéressantes (repulpante, comblante, volumatrice). Lire aussi : Tout sur l’acide hyaluronique en esthétique et la peau pulpeuse
Alternative : la glycérine, qui a l’avantage de coûter trois ronds. Mais ce n’est pas l’agent le plus sensoriel du monde. Les produits généralement bourrés de cet humectant sont assez collants (cf la crème Mains Neutrogena). Et il n’a pas de balance anti-âge comme l’acide hyaluronique. Il hydrate simplement.
A partir de quel âge ? Dès la vingtaine.
Quand : matin et/ou soir
Comment : « Pour un effet hydratant prolongé, utilisez de préférence un produit contenant un acide hyaluronique de bas poids moléculaire » conseille Lionel De Benetti. Exemple : Hyaluron-Filler Booster d’Hydratation d’Eucerin.
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