16 janvier 2022 – Mise à jour le 12 avril 2023
Bien qu’il soit rarissime, l’embol est la complication la plus grave après une injection de produit de comblement puisque cet accident vasculaire peut conduire à une nécrose cutanée, ou pire encore. Le point sur la conduite à suivre, en cas de souci, avec une chirurgienne plasticienne.
Je ne cherche pas à vous faire peur (ah, c’est trop tard ? Bon, désolée …). Mais mon avis, c’est qu’une patiente prévenue en vaut deux. Donc, même si les risques que j’aborde ici sont exceptionnels (thanks God…), il est important que tous les patients qui se font injecter en soient dûment informés, parce que malheureusement, tous ne consultent pas des médecins ! Le nombre de complications (notamment des nécroses cutanées) chez les jeunes femmes explosant du fait de pratiques illicites (lire ici : Injections d’acide hyaluronique par des non médecins : la chasse est ouverte !), je me suis dit que des explications sur le sujet n’étaient pas de trop !
A la base de la complication grave : l’embol vasculaire
Késaco ? Cet accident survient lorsque le médecin a piqué accidentellement dans une artère et qu’un fragment de produit de comblement (acide hyaluronique ou autre) est venu obstruer cette dernière. L’une des façons d’éviter ce genre de complication est d’utiliser une canule à embout mousse, à la place de l’aiguille. Ce matériel est beaucoup moins traumatisant pour les vaisseaux. Cela dit, même avec une canule, le risque zéro n’existe pas. « Si l’artère est étroite et que le médecin injecte en force un produit volumateur par exemple, ce sont des conditions qui peuvent prédisposer à un embol », explique le Dr Sylvie Poignonec, chirurgienne plasticienne, membre du comité directeur de la Société Française des Chirurgiens Esthétiques Plasticiens (SOFCEP). C’est la raison pour laquelle, il est toujours conseillé aux praticiens d’injecter doucement et avec le minimum de pression ce genre de produit, surtout dans les zones à risques. Mais parfois dans la précipitation, un mauvais geste ou une artère curieusement localisée et … bim !
Quelles sont les conséquences d’un embol vasculaire ?
La complication la plus fréquente (bien qu’encore une fois très rare, on insiste), c’est la nécrose cutanée. La peau autour de l’embol n’étant plus vascularisée, de la même façon qu’une plante mal arrosée, elle s’étiole, meurt, puis tombe. Les zones d’injection les plus risquées sont les sillons nasogéniens, la zone de la glabelle (entre les yeux), la pointe du nez et la bouche, lesquelles sont toutes irriguées par des branches de l’artère faciale. Mais soyez rassurée, même après pareille horreur, le problème se résout la plupart du temps, sans difficultés (si tant est que l’on soit entre les mains d’une personne qualifiée pour gérer ce genre complication, natürlich).
Le pire des scénarios (mais qui se voit surtout en Chine, où les faux injecteurs pullulent), c’est le produit de comblement qui « chasse » dans la mauvaise artère, en l’occurrence l’artère centrale de la rétine (qui irrigue l’œil) ou l’artère cérébrale (le cerveau). « Il faut comprendre que le réseau artériel est comme un réseau autoroutier. A un moment, les artères confluent et parfois, le produit peut emprunter une voie à contre-courant de la circulation sanguine. C’est aussi exceptionnel que la voiture qui roule en sens inverse sur l’autoroute, mais quand cela survient, c’est l’accident » décrypte le Dr Poignonec. Et là, on parle d’un vrai gros crash puisqu’il est question de perdre la vision d’un œil. Ça peut même aller parfois jusqu’à l’accident vasculaire cérébral. D’où l’importance, on ne le répètera jamais assez, de consulter un médecin pour les injections et personne d’autre ! C’est un geste beaucoup trop délicat !
Vous sentez des petites boules sous les doigts plutôt ? Lire ici : Problème suite à une injection d’acide hyaluronique : les solutions des experts
Comment se traite une nécrose cutanée ?
« Souvent, la patiente décrit une injection qui a été douloureuse et une peau qui a blanchi, au moment de l’injection ou dans les 24 qui ont suivi », rapporte le Dr Poignonec.
Lorsque la complication survient au cabinet du médecin, c’est limite une chance car ce dernier peut tout de suite appliquer les bons gestes. L’affaire est plus délicate quand elle survient de manière différée et que l’on est seule chez soi. Le geste à ne surtout pas faire, c’est d’appliquer du froid ou d’allumer une clope pour se calmer les nerfs. Cela crée une vasoconstriction qui ne fait qu’aggraver la situation. Des compresses d’eau chaude, en revanche, favorisent la dilatation de l’artère obstruée.
Une nécrose cutanée est un véritable motif d’urgence médical, donc n’attendez surtout pas pour appeler le médecin esthétique. Si vous avez confié votre visage aux mains d’un injecteur de pacotille, ne perdez pas votre temps en revanche, à la joindre, il ne sera d’aucune utilité ! Contactez plutôt votre médecin traitant qui saura vous aiguiller ou filez aux urgences. Une fois sur place, le médecin en charge injectera la hyaluronidase, la fameuse enzyme qui dissoudra l’acide hyaluronique en 1 heure ainsi qu’une bonne dose de corticoïdes pour résorber l’inflammation, puis vous repartirez avec un patch de tinitrine (vasodilateur) sur la zone nécrosée. Pendant les 2 à 3 semaines suivantes, selon le degré d’atteinte, ce dernier devra être changé quotidiennement. Il faudra aussi revoir le médecin tous les jours pour vérifier le bon avancement des choses. A l’issue du traitement, la peau nécrosée laissera place à une peau rosée, comme après une brûlure. Mais pas de panique, on ressort généralement de ce type d’incident, sans rançon cicatricielle ou minime.
Plus grave est la situation quand on a trop attendu pour consulter et que la peau est devenue toute noire, avant de tomber puis d’être remplacée par un trou (sur la pointe du nez par exemple). Dans ce cas, le médecin devra procéder à une cicatrisation dirigée, c’est-à-dire une cicatrisation encadrée par une infirmière, au cabinet, qui ôtera tous les débris épidermiques avant de nettoyer soigneusement la zone nécrosée pour favoriser une revascularisation progressive.
Mais parfois, il arrive que tout ce protocole ne suffise pas. C’est vraiment, mais alors vraiment pas de chance. Dans ce cas extrême, le médecin parle alors d’une greffe (de peau, de muqueuse ou de cartilage, selon le cas). Il y recourt notamment sur la bouche lorsque plus d’un tiers de la lèvre est touchée par la nécrose (la lèvre inférieure est utilisée pour réparer la lèvre supérieure ou vice versa), mais tout ceci évidemment au prix d’une rançon cicatricielle souvent importante. En revanche, lorsque moins d’un tiers de la lèvre est concernée, les dégâts se réparent facilement. Il suffit pour cela de supprimer la zone atteinte puis de refermer par des points profonds. La muqueuse cicatrisant très bien, l’intervention ne laisse pas de trace.
Des symptômes bizarres comme des troubles de la vision ou des difficultés à vous exprimer ? Vite aux urgences, ça peut être super grave !
Les signes avant-coureurs qui doivent faire suspecter une atteinte de l’artère de la rétine ? Une douleur oculaire ou des troubles de la vision, par exemple. Dans ce cas, seule une injection de hyaluronidase à proximité immédiate de l’artère ophtalmique par injection rétrobulbaire (en arrière du globe oculaire), peut résorber l’embol et permettre de sauver l’œil. Mais autant le dire, rares sont les médecins esthétiques qui sont entraînés à ce geste. Donc, dare-dare aux urgences ophtalmo. Vous avez moins de 90 mn pour agir ! Des troubles de la parole, une déformation de la bouche, une paralysie faciale, etc, peuvent être, eux, signes d’une embolie cérébrale. Là, idem, il faut réagir très vite et appeler le SAMU. Ne pas boire, ne pas manger et ne prendre aucun médicament dans l’intervalle. Une fois à l’hôpital, le personnel soignant procèdera à des perfusions d’antiagrégants plaquettaires et d’anticoagulants.
Je termine ce papier avec des chiffres quand même rassurants. Toutes les horreurs dont je viens de parler concernent, selon le laboratoire Galderma, entre 0, 01 % et 0, 001 % des injections d’acide hyaluronique dans le monde !
L’expert :
Dr Sylvie Poignonec
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