3 juin 2023
Peut-on utiliser sans risques un écran solaire au quotidien pour se prémunir contre les rides et les taches, comme le préconisent bon nombre de spécialistes de l’esthétique ? Ah, Ah …, pas si sûr.
Il y a quelque temps, je publiais un article sur la polémique naissante autour de l’utilisation des filtres solaires au quotidien, recommandée par les marques cosmétiques et aussi bon nombre de médecins et dermatologues esthétiques. Lire ici : Pour ou contre l’écran solaire tous les jours. Et voilà que je tombe sur un communiqué de presse de la Société Française d’Endocrinologie qui rappelle la dangerosité des perturbateurs endocriniens et appelle les Français à réduire leur exposition, sachant qu’ils sont présents partout (alimentation, eau, plastiques, pesticides, métaux lourds, plomb, et bien sûr, cosmétiques). Les PE, on le rappelle, sont des substances qui peuvent modifier, mimer ou bloquer l’action des hormones, entraînant un certain nombre de conséquences sur l’organisme (diminution de la fertilité, pubertés précoces, maladies chroniques telle l’obésité, cancers ou maladies neurodégénératives, etc). Donc, en bonne journaliste que je suis, je contacte immédiatement cette société savante pour connaître le message à relayer concernant la cosmétique et notamment les produits solaires. Le but n’est évidemment pas de vous dissuader de vous protéger au soleil. Ce serait criminel de ma part. Toutefois, si de plus en plus de voix s’élèvent concernant une application quotidienne de ces produits, c’est peut-être à écouter ? Un consommateur éclairé en vaut deux. C’est ma devise sur ce site, depuis ses débuts. Libre à vous ensuite d’agir comme bon vous semble.
L’exposition aux perturbateurs avec une application épisodique de produits solaires
Selon le Pr Nicolas Chevalier, Chef de Service, Département d’Endocrinologie, Diabétologie & Reproduction au CHU de Nice, il y a bien une exposition aux perturbateurs endocriniens, avec l’utilisation de produits solaires. Toutefois, dans les conditions d’utilisation habituelle des écrans de protection (à savoir, sur une courte durée, en période estivale), les quantités utilisées sont faibles. « C’est l’impact des perturbateurs endocriniens sur le monde marin surtout qui pose problème. Les œstrogènes de synthèse qui se retrouvent dans les eaux modifient la flore et la faune aquatiques. On note une surpopulation de poissons femelles versus les poissons mâles, ce qui pose question quant à la préservation des espèces, sans compter la destruction des barrières coraliennes » explique le Pr Chevalier.
L’ exposition aux perturbateurs endocriniens avec une utilisation quotidienne de produits solaires
Il en va tout autrement de l’utilisation du produit solaire appliqué à longueur d’année, comme c’est la mode en ce moment.« Les tests réglementaires sur les produits solaires sont réalisés sur une courte exposition, avec une dose bien ciblée mais ils ne prennent pas en considération les doses cumulées » indique le spécialiste. Même si le produit n’est appliqué que sur le visage, en vue d’éviter l’apparition précoce de rides ou de taches, l’exposition chronique à de faibles doses de perturbateurs endocriniens peut poser souci. « De faibles doses cumulées peuvent entraîner des risques toxicologiques et carcinologiques qui n’existent pas à de plus fortes doses. C’est pour cette raison que les conditionnements alimentaires contenant du Bisphénol A ont été interdits en 2013 » précise le Pr Nicolas Chevalier.
Quelles sont les préconisations concernant l’utilisation de cosmétiques et notamment de produits solaires, alors ?
Toujours évaluer le rapport bénéfices/risques. Si le produit solaire reste indispensable les mois d’été ou lors de toute exposition à un fort ensoleillement pour éviter un cancer cutané, son utilisation au quotidien dans un but strictement esthétique est sujet à interrogations. « Je suis personnellement très réservé quant à l’utilisation des filtres au quotidien. On ne peut pas dire que c’est sans danger » explique le spécialiste.
Et concernant la présence de perturbateurs endocriniens dans l’ensemble de la cosmétique : « Nous attendons impatiemment la publication d’un arrêté qui fixera la liste des substances présentant des risques de perturbation endocrinienne avérée, présumée ou suspectée. Les industriels devront indiquer la présence de telles substances dans leurs produits par un picto, facilement reconnaissable pour le grand public. Neuf-cent-six molécules ont été identifiées à ce jour, parmi lesquelles, les phtalates, les parabènes, le triclosan, le filtre UV tetraméthylbutylphénol, présents dans les produits cosmétiques » explique le Pr Chevalier.
D’une manière générale, il est recommandé d’éviter les produits contenant les substances pointées du doigt (chose qui sera plus facile à mettre en œuvre lorsque les produits seront étiquetés), surtout pendant la grossesse et la petite enfance, qui sont des périodes sensibles La cosmétique bio est tout aussi concernée, les labels ne garantissant aucunement l’absence de perturbateurs endocriniens dans les formules.
La Société Française d’Endocrinologie rappelle les mesures à mettre en œuvre pour réduire l’exposition aux perturbateurs endocriniens au quotidien
- Evitez les emballages en plastique (préférez les conditionnements en verre). C’est valable bien sûr aussi pour les cosmétiques, les risques des formules au contact de tubes vieillis notamment, n’étant dans la plupart des cas pas évalués.
- Buvez de l’eau du robinet plutôt que de l’eau en bouteille. Ne passez jamais le plastique au micro-ondes.
- Améliorez la qualité de l’air à l’intérieur de la maison, qui peut contenir des perturbateurs endocriniens. Passez régulièrement l’aspirateur, dépoussiérez et ventilez pour réduire la présence de particules de poussière
- Choisissez vos produits d’entretien et vos cosmétiques judicieusement.
L’expert
Nicolas Chevalier
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