20 novembre 2025
La toxine botulique ne sert pas qu’à estomper les rides. Il y a certaines indications que l’on s’imagine pas du tout, mais alors du tout !
J’avais déjà écrit un sujet sur certains usages courants du Botox, hors médecine esthétique. Lire ici : Migraine, incontinence, hypersudation : le Botox, ça marche aussi ! Mais je ne soupçonnais pas son utilisation en proctologie. C’est dire si le champ d’action de la molécule est vaste ! De fait, on dénombre plus d »une cinquantaine d’indications médicales.
Voilà qui devrait rassurer tous ceux qui redoutent encore de se faire injecter le produit les rides. Comme vous le constaterez, le médicament est utilisé dans des problématiques autrement plus complexes que la patte d’oie ! Et comme je suis d’un naturel curieux, j’ai souhaité savoir lesquelles précisément en proctologie …
Les fissures anales
Késaco ? Des petites déchirures d’une longueur d’1 cm à 1, 5 cm, qui se forment sur la muqueuse de l’anus. Elles surviennent surtout lorsque le sphincter anal, muscle contrôlant l’ouverture de l’anus, est trop tonique, provoquant une tension excessive et des frottements répétés à chaque passage des selles, ce qui empêche la zone de guérir. Autant dire que c’est très douloureux.
Qui ça touche ? Eh bien figurez-vous, pas mal de gens, notamment les constipés chroniques, ou à l’inverse les personnes souffrant de diarrhées récurrentes (comme dans la maladie de Crohn) ; les femmes après un accouchement (parfois, certaines manœuvres peuvent blesser la région) ou les amateurs de sodomie (un peu sauvage tout de même !).
Pourquoi le Botox ? « Eh bien, parce qu’il va détendre le sphincter anal, diminuer les tensions et les spasmes, et favoriser ainsi la cicatrisation des fissures, qui ont souvent tendance à réapparaître même après des premiers traitements locaux bien conduits » indique le Pr Elie Chouillard, chirurgien viscéral et digestif à l’Hôpital Américain de Paris. Le produit est injecté (après application d’une crème anesthésiante, rassurez-vous !) tout autour du sphincter anal. Le protocole est d’une injection par mois, durant 3 à 6 mois. Puis, un bilan médical est réalisé pour valider, ou non, la poursuite du traitement. Mais dans un certain nombre de cas, le geste est concluant et permet d’éviter la fissurectomie, une intervention chirurgicale visant à supprimer la zone fissurée.
La dyschésie anale
Késaco ? Une difficulté à évacuer les selles à cause d’un défaut de coordination entre deux mécanismes essentiels lors de la défécation : la relaxation du sphincter anal (« robinet » qui s’ouvre pour permettre au selles de passer dans le canal anal) et la contraction du rectum (contraction propulsive réflexe qui les pousse vers la sortie). Cette désynchronisation provoque un blocage anorectal qui se traduit par une constipation sévère, chronique, accompagnée de douleurs persistantes dans la région anale.
Qui ça touche ? Le plus souvent les femmes, qui peuvent présenter des troubles pelviens après un accouchement ou en période de ménopause où la statique pelvienne est souvent perturbée.
Pourquoi le Botox ? Comme dans le problème précédent, l’emploi de la toxine botulique vise à relâcher le muscle sphinctérien anal. Le produit est injecté en profondeur dans la paroi du rectum sous guidage endoscopique (caméra + source lumineuse). Ce geste supprime le blocage et diminue les spasmes douloureux.
Ce traitement est adapté en fonction de l’âge du patient, de l’ancienneté du dysfonctionnement et des résultats de son EMG (électromyogramme qui mesure le tonus musculaire des muscles périnataux). La posologie peut aller jusqu’à 100 unités de Botox (à titre de comparaison, les médecins esthétiques injectent dans le traitement des rides du front entre 10 et 25 unités). L’injection peut être renouvelée tous les 3 mois. Le taux de satisfaction est variable selon l’ancienneté et la gravité des symptômes du patient.
Lire aussi : Connaissez-vous le rajeunissement anal ?

L’expert
Pr Elie Chouillard




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