16 juin 2019 – Mise à jour le 24 décembre 2021
Eliminer les bourrelets sur le ventre ou les cuisses avec des appareils, c’est tendance. Mais attention à ne pas y prendre goût ! Apparemment, la nature n’aime pas être forcée …
En médecine esthétique, il sort des nouveautés tous les quatre matins dont je me fais régulièrement l’écho dans ces pages. Le marché est dynamique, les innovations s’enchaînent, c’est parfaitement enthousiasmant et stimulant. Mais bien souvent l’innovation va plus vite que la science, qui a besoin d’un retour sur expérience pour tirer des conclusions. Et force est de constater qu’en médecine esthétique, on la convoque rarement la science …
Nous avons donc voulu savoir ce qu’un chercheur du CNRS, spécialisé dans la physiologie du tissu graisseux, pensait de toute cette technologie autour du traitement de la masse grasse. Les fameuses machines amincissantes dont je vous parle régulièrement, tant les promesses avancées et les avant/après sont alléchants. Pardon pour mes explications qui vont sans doute paraître un peu techniques. Mais vous allez voir, la conclusion vaut le détour !
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Le pitch : les machines qui permettent de réduire les bourrelets utilisent différentes technologies (cryolipolyse, HIFU, micro-ondes, ondes électro-magnétiques, etc…). Toutes ont pour finalité de détruire l’excès de cellules graisseuses. Contrairement aux méthodes utilisées dans les instituts de beauté, elles ont donc pour objectif la mort de la cellule (bah, oui … ), soit par nécrose (pourrissement) soit par apoptose cellulaire ( « suicide » de cette dernière). Mais beaucoup de fabricants mettent en avant le second mécanisme …
Le Journal De Mon Corps : Pourquoi tous les fabricants de machine parlent-ils d’apoptose cellulaire ?
Alain Geloën : Obliger ses cellules à se suicider parce qu’elles ne supportent pas que l’on soit trop gras est sans doute plus noble que de dire que la cellule a pourri sur elle-même.
LJDMC: Est-on certain que la cellule graisseuse est bien éliminée de cette façon ?
A.G : Non, il y a très peu d’études objectivées dans ce sens. Et si c’est le cas, alors les fabricants doivent être en mesure de doser les marqueurs de l’apoptose pour le prouver. Ce que l’on ne retrouve pas dans les études.
LJDMC : Mais qu’est-ce que ça change dans le fond, nécrose ou apoptose ?
A.G : Rien. Une cellule morte est une cellule morte. En revanche, que devient la graisse contenue dans la cellule, ça c’est la question intéressante !
LJDMC : Les fabricants expliquent que la cellule graisseuse est « détruite » et que les débris sont ensuite « digérés » par les macrophages, les cellules éboueurs de l’organisme.
A.G : Alors, si la cellule graisseuse a bien été détruite, dans ce cas, elle a libéré dans le liquide interstitiel ses acides gras, lesquels ont ensuite été transformés, par réaction enzymatique, en acides gras libres avant de gagner la circulation veineuse et d’être pris en charge par les macrophages.
LJDMC : Et alors ?
A.G : Eh bien, si c’est le cas, alors on doit observer une augmentation transitoire de la quantité d’acide gras libres dans le sang, avec tous les risques cardio-vasculaires que cela peut entraîner. Mais les fabricants affirment dans leurs études qu’il n’y a pas de modification de la concentration de triglycérides dans le sang. Alors, où est passée la graisse ? Elle ne peut pas disparaître comme par magie ! Par ailleurs, si les débris sont bien pris en charge par les macrophages, alors cela entraîne nécessairement une inflammation du tissu adipeux, donnée que l’on ne retrouve pas non plus dans la littérature. Or s’il y a inflammation, ce n’est évidemment pas très bon pour l’organisme. Il faut savoir que c’est le point de départ du diabète de type 2.
LJDMC :Vous sous-entendez que ces techniques seraient donc potentiellement risquées ?
A.G : Si la stimulation de la machine n’est pas trop violente, dans ce cas, l’inflammation se résorbe spontanément, sans conséquence sur l’organisme. Si ce n’est l’efficacité sur le bourrelet qui est, du coup, minime. D’ailleurs, toutes les publications mentionnent au mieux une perte entre 2 et 4 cm. Ce qui est déjà bien, mais pas incroyable.
Et si la stimulation est très forte, alors l’inflammation dans le tissu graisseux est importante. Les fabricants ont-ils effectués un suivi pour vérifier ce qu’occasionne cette inflammation au cours des mois suivants l’intervention ? Là non plus, il n’y a pas beaucoup de données.
Est-ce que des traitements à répétition ne prédisposent pas à l’apparition d’un diabète de type 2 ? Les concepteurs de ces machines ont-ils réponse à cette question ?
LJDMC : Ces technologies sont censées être réservées au traitement des petits bourrelets …
A.G : Dans ce cas, l’inflammation ne devrait pas prêter à conséquence. Mais dans le cas contraire …
LJDMC : Face à ces incertitudes, que préconisez-vous ?
A.G : De ne pas multiplier les protocoles de traitement. Un ou deux dans sa vie, c’est déjà beaucoup ! D’autant qu’ils ne règlent pas le problème de fond, qui est d’ordre métabolique. S’il y a trop de tissu graisseux, c’est qu’il y a un déséquilibre énergétique : trop de calories absorbées et pas assez de dépensées. Il faut donc avant tout compenser cela avec la mise en place d’un rééquilibrage alimentaire, à la fois quantitatif et qualitatif.
LJDMC : On avance aussi un aspect définitif du traitement ? Peut-on y croire ?
A.G : Les cellules détruites par ces procédés le sont en effet définitivement. Mais cela ne représente qu’une diminution d’environ 20 % du volume graisseux traité. Par ailleurs, il y a dans le tissu graisseux des cellules souches qui sont toujours prêtes à proliférer dès que la balance énergétique redevient positive. Le surplus calorique se loge alors immédiatement dans les cellules graisseuses. Une fois que ces dernières ont atteints leur taille critique, elles envoient alors un signal de recrutement aux cellules souches qui se mettent alors à proliférer et c’est ainsi que les bourrelets se réinstallent.
LJDMC : Rien n’est donc jamais définitif…
A.G : Non, pas si on ne se surveille pas de façon stricte son alimentation après avoir subi ce genre de traitement. Un peu d’exercice aussi est nécessaire. Bref, on en revient aux préconisations habituelles …
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