12 février 2022
La « jambe en poteau » a beau être courante, elle appelle une réponse très spécifique. Les explications de deux chirurgiens.
C’est quoi la jambe en poteau ? Une grosse jambe, sans définition (on ne distingue même plus la cheville), alors que le torse par ailleurs est mince. Une femme sur six est concernée, c’est dire si la disgrâce est fréquente ! Mais personne n’en parle trop. Et surtout, peu parmi les femmes concernées, savent qu’il s’agit d’une pathologie portant le nom de « lipœdème ».
Cette maladie chronique du tissu graisseux, bien que reconnue par l’OMS, est totalement sous-diagnostiquée en France. Elle survient dans un contexte de grand bouleversement hormonal, comme l’adolescence ou la grossesse et évolue ensuite progressivement. La graisse des jambes s’épaissit, forme des lobules qui deviennent de plus en plus visibles, comme des balles de golf sous la peau. Mais le pied, de façon curieuse, est épargné.
Au stade 1, la surface de la peau est encore lisse mais le tissu sous-cutané est épaissi. La patiente se plaint de jambes lourdes et douloureuses, notamment à la pression et qui se marquent de bleus au moindre petit choc.
Au stade 2, les jambes commencent à prendre un aspect bosselé.
Au stade 3, des grosses poches de graisse se développent et déforment la silhouette.
La pathologie ne touche d’ailleurs pas que les jambes mais peut aussi concerner les cuisses, la culotte de cheval et les bras ! Pour une raison inconnue, elle est particulièrement répandue dans les pays du Maghreb et peut posséder un caractère héréditaire.
« On ne connaît pas encore l’origine de cette maladie qui est multifactorielle, avec une composante environnementale. Et, surtout, on ne dispose d’aucune méthode pour la guérir. Cependant, des mesures hygiéno-diététiques permettent de freiner son évolution » indique le Dr Harold Chatel, chirurgien plasticien.
Le drainage lymphatique manuel, la pressothérapie, le port de collants de contention à maille plate, une activité physique régulière comme l’Aqua-Bike (qui a une effet massant sur les jambes) et une alimentation adaptée sont notamment préconisées. Même si l’origine du problème n’est pas d’ordre lymphatique (ne pas confondre lipœdème et lymphœdème), les lobules graisseux comprimant le réseau veino-lymphatique, ils augmentent l’aspect congestionné du tissu et l’inconfort.
Le traitement chirurgical du lipœdème
S’il ne guérit pas de la maladie, il améliore de façon appréciable l’esthétique de la silhouette.
Certains pays, comme l’Allemagne, s’en sont fait une spécialité et des cars-tours remplis de « Französin » débarquent chaque année dans des «lipo-cliniques », pour se faire opérer. Cependant, nul besoin de vous expatrier outre-rhin pour faire alléger vos jambes. On a aussi quelques bons spécialistes dans l’hexagone, qui gèreront en prime les suites après votre opération, ce qui n’est pas du tout le cas du tourisme médical. Lire ici : la chirurgie esthétique à l’étranger, c’est une bonne idée ?
L’intervention repose sur une lipoaspiration mais réalisée avec un appareil spécial, un hydrojet. On parle aussi de « WAL » (Water Assisted Liposuction). « L’appareil injecte un sérum physiologique adrénaliné qui permet de décoller en douceur les lobules graisseux, tout en aspirant la graisse. Le geste est beaucoup moins agressif que dans une lipo classique » explique le Dr Taliah Schmitt, chirurgienne plasticienne. De fait, les patientes atteintes de lipœdème ayant une circulation et une peau fragiles, mieux vaut ne rien brusquer. Et pour être encore plus soft, la liposuccion est réalisée en respectant l’axe du membre. Autrement dit, elle est réalisée verticalement, dans le sens du trajet lymphatique, via plusieurs petits orifices réalisés à différents niveaux des jambes. De très grandes quantités de sérum litres de sérum sont injectées puis reaspirées, ne serait-ce qu’au niveau des mollets.
Certains chirurgiens, peu familiarisés avec la notion de lipœdème liposuccent les jambes en poteau de façon classique, sans prendre toutes ces précautions. La silhouette est certes améliorée, mais le réseau veino-lymphatique peut être davantage fragilisé après. Donc, ça vaut vraiment le coup de chercher les spécialistes !
Une fois l’intervention terminée (ce qui prend facilement 2 h), les jambes sont alors enveloppées dans des alèses pour absorber le reliquat de sérum qui s’échappe via les orifices parfois laissés ouverts.
Vous passez la nuit à la clinique, puis rentrez le lendemain chez vous. Dans quel état ? Ah, clairement, pas terrible. On ne va pas le cacher, le traitement du lipœdème est dou-lou-reux. « C’est surtout très sensible au niveau du tendon d’Achille. Comme on a raclé le tendon pour aspirer la graisse qui est autour, les patientes ont du mal à poser le pied parterre. Les mouvements de flexion et d’extension provoquent des sensations d’inconfort importantes » explique Taliah Schmitt. On ressent comme une déchirure, à chaque pas. On doit s’aider de béquilles pour rentrer chez soi.
C’est aussi une opération qui fatigue énormément car elle fait consommer beaucoup d’hémoglobine. La patiente est toujours très anémiée en post-op.
Globalement, les quinze premiers jours sont assez difficiles, d’autant qu’il y a un risque de phlébite. Malgré la douleur, il faut malgré tout s’astreindre à se lever, à marcher et faire des petits mouvements des pieds pour assouplir les chevilles. Des piqûres d’anticoagulants sont prescrites, ainsi qu’une contention costaude et des séances de drainage lymphatique chez le kiné. Pendant la première semaine, vous êtes appelée tous les jours par l’équipe médicale. Parfois, des poches d’eau se forment (séromes) qu’il faut ponctionner rapidement. Ensuite, une visite est programmée 15 jours, 1 mois, 3 mois, 6 mois puis 1 an après. Le résultat final s’apprécie entre 12 et 18 mois, le temps que l’œdème se résorbe entièrement. Néanmoins, après 6 mois, la silhouette a déjà pas mal changé d’allure.
Avant/après liposuccion assistée par hydrojet – Du stade 2 au stade 1
Quand les bras et les cuisses aussi sont atteints par le lipœdème
Dans ce cas, la liposuccion seule peut ne pas suffire car la peau des cuisses, de la culotte de cheval et des bras ne se rétracte pas aussi bien que celle des mollets. Il faut donc parfois aussi prévoir un temps de lifting dont les patientes doivent être averties. Ce qui signifie, dans le cas d’une culotte de cheval par exemple, une cicatrice d’environ 40 cm sur la face externe de la cuisse, donc ultra-visible. « Après tout dépend de ce que souhaitent les patientes. Certaines cherchent simplement à se sentir mieux habillées. D’autres veulent pouvoir se mettre en maillot de bain. Si vous ne voulez pas de cicatrice, il est possible de simplement réduire le volume de la culotte de cheval », indique le Dr Taliah Schmitt.
Combien ça coûte une chirurgie du lipœdème ?
C’est malheureusement assez ruineux. Comptez entre 8500 € et 10.000 € par zone pour la liposuccion (et ce n’est pas meilleur marché en Allemagne, bien au contraire !). Et 10.000 € par zone en cas de lifting associé. Le lipœdème n’étant pas reconnu par la sécurité sociale, il n’y a pas de prise en charge, sauf pour le lifting si la patiente a par ailleurs perdu beaucoup de poids.
Avant/après liposuccion assistée par hydrojet – Du stade 3 au stade 2
Les experts :
Drs Taliah Schmitt & Harold Chatel
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