19 juin 2021 – Mise à jour le 26 juin 2024
C’est une question récurrente dans les cabinets de médecine et de chirurgie esthétique. « The » question même et à laquelle il n’est pas toujours aisé de répondre …
Mes amies me la posent très souvent, aussi. « Qu’est-ce que tu ferais à ma place ? ». Moi : « Ben, le truc, tu vois, c’est que je ne suis pas à ta place … ? » (LOL). Je pense notamment à I., qui se reconnaîtra sans peine. On a travaillé dans le même magazine. Et pendant 5 ans, c’était toujours la même interrogation 😉 Et rituellement, je lui répondais : « Qu’est-ce qui te gêne ? ». Elle : « Je ne sais pas … C’est peut-être mon cou, non ? Ou mes yeux… ». A l’époque, elle devait avoir dans les 35 ans, elle était fraîche comme un gardon. Ce dont elle avait besoin était loin de sauter aux yeux. Et puis, je la revois et je lui demande : « Tu te rappelles que tu me disais tout le temps : « Qu’est-ce que je dois faire ? ». Elle, en s’esclaffant : « Ah, oui. Mais maintenant, je me le demande plus du tout ! Il y a un tel chantier que je ne sais même plus par où commencer ! ». Moi : « Mais pourquoi, tu me demandais tout le temps ça ? ». Elle : « Je ne sais pas. Tout le monde faisait quelque chose. Ça me donnait envie. Je voulais me conformer, sans doute ». C’est là que je me suis dit : Tiens, et si je faisais un sujet sur cette question ? C’est comme ça que je me suis retrouvée devant les Docteurs Jacques Ohana, auteur chirurgien plasticien, auteur de « La Diagonale du Corps » (Ed. Cherche Midi) et Jean-Christophe Seznec, psychiatre, co-auteur de « Grandir, Vivre, Devenir » (Ed.Odile Jacob) pour débattre avec eux des différentes interprétations possibles du « que dois-je faire docteur ».
La femme paumée parmi toutes les techniques médicales esthétiques
Même si les patientes qui prennent rendez-vous pour un acte précis, comme elles ignorent tout du geste en question et des différentes possibilités qui pourraient résoudre leur problème, à la fin du premier entretien, vient toujours le : « Docteur, qu’est-ce je dois faire, selon vous ? ». Cette question est parfaitement légitime et c’est d’ailleurs le point de départ de tout diagnostic. Rien d’alarmant là-dedans, donc.
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Plus problématique est le « Docteur, qu’est-ce que je dois faire ? » où l’on sent la forte remise en question. « Certaines femmes ressentent un malaise d’ordre général et pensent pouvoir résoudre leur problème en changeant leur image, mais ce n’est pas toujours gagné … » met en garde le Dr Ohana. Les mots des patientes ? « Je ne me trouve pas bien ». Mais la phrase est incomplète. Il faut plutôt entendre : « Je me sens mal dans ma peau », problème qui ne relève évidemment pas toujours des compétences du chirurgien … mais du psy.
« Dans un premier temps, j’écoute. D’abord, en tant qu’homme, ensuite en tant que médecin, puis éventuellement en tant que chirurgien. Je pose des questions sur la vie familiale, conjugale et professionnelle de la patiente pour glaner des éléments, sonder les motivations. Son mal-être est-il le révélateur d’une situation personnelle conflictuelle que la patiente refuse de voir ? Ou, a contrario, d’une situation qu’elle a parfaitement identifiée et qu’elle pense pouvoir résoudre en boostant son image ? Ensuite, à moi d’évaluer la place qu’occupe réellement l’image dans le problème en question …» explique le Dr Ohana.
« Personnellement, je trouve toujours intéressant, même avant un acte léger, de se poser certaines questions », conseille le Dr Jean-Christophe Seznec : 1/De quoi ai-je envie ? Ce qui renvoie à la notion de plaisir. Certains éprouvent une grande satisfaction à prendre soin d’eux et cela peut passer aussi par un acte esthétique. Soit. 2/Est-ce que j’en ai besoin ? Sans être vital, est-ce que ma demande est cohérente. Vise t-elle bien à corriger une imperfection existante ? 3/Est-ce que cette intervention est bien adaptée à la personne que je suis ? Parfois, on se laisse embarquer dans des histoires qui ne sont pas complètement soi … « Ce petit travail d’introspection est important. Il donne du sens à la décision que l’on est sur le point de prendre. Il faut notamment être capable de définir l’enjeu qui est derrière tout cela » indique le spécialiste. Si votre objectif caché est d’être la plus belle, pas sûr que votre rêve se réalise. La beauté est comme un livre. Ce n’est pas la couverture qui fait le récit …
Vous devez vous rendre chez le médecin ou le chirurgien esthétique avec une parfaite conscience de ce que vous faîtes. Ceci pour vous éviter les déconvenues, voire de verser dans une toxicomanie qui ne vous satisfera jamais si le besoin est autre. Certaines transformations peuvent perturber l’équilibre psychologique, créer une distorsion avec soi-même et même être source de syndromes délirants, attention tout de même … Pour un acte invasif, le Dr Seznec invite à réaliser un travail sur soi, avec l’accompagnement d’un psychologue. « Aucune obligation bien-sûr, mais disons que c’est une belle opportunité de réfléchir à « Qu’est-ce qu’être soi ». Et Dieu sait si, à l’heure des réseaux sociaux, plus personne n’y réfléchit beaucoup. « L’esthétique, quelque part, relève d’un effet de mode. Or, une mode, c’est éphémère. Mais les résultats esthétiques, eux, ne le sont pas toujours. Il faut donc aussi s’interroger sur « l’après ». Et surtout être sûr que l’intervention que l’on programme ne vient pas masquer d’autres souffrances plus profondes. Quand on retape une maison, on ne se contente pas de changer le crépi. Il y a des travaux d’aménagement intérieur à réaliser. Eh bien, pour la chirurgie esthétique, c’est même combat » conclut le Dr Jean-Christophe Seznec, psychiatre.
La patiente mal dans sa peau parce qu’elle vieillit
Parmi les mal-êtres récurrents, il y a bien évidemment celui de l’avancée en âge. Ce moment où tout bascule, où l’on ne se reconnaît plus dans le miroir. « Docteur, je ne supporte pas le temps qui passe. Mon visage m’échappe … ». Ou « Docteur, je me sens moche …. Tout le monde me trouve fatiguée, … ». « Là, en général, ma réponse est assez simple parce que je sens dans la question une notion d’urgence. Donc, j’explique : « Madame, je suis en mesure avec un lifting cervico-facial de vous redonner votre visage d’il y a cinq ou dix ans. Toutefois, nous sommes bien d’accord, vous aurez toujours le même âge après ? » rapporte le Dr Ohana.
La patiente mal dans sa peau parce qu’elle est moche
Là, à la limite, le problème est plus facile à régler. Qu’est-ce qui gêne la patiente ? Son nez ? Alors, il suffit de le refaire et fin de l’histoire.
La femme qui suit le mouvement. Tout le monde fait de l’esthétique, elle aussi !
Tout le monde fait quelque chose autour d’elle. Elle veut en être aussi. Le cas d’I. jadis… « A mon avis, ce cas n’est plus très fréquent car les jeunes femmes d’aujourd’hui ont un rapport totalement déculpabilisé à l’esthétique et une connaissance approfondies des techniques. Elles savent précisément ce qu’elles veulent » analyse le Dr Ohana.
Et l’homme dans tout ça, qu’est-ce qu’il dit ? Ça l’intéresse la médecine esthétique ?
La seule question qu’il pose de façon récurrente, c’est : « Docteur, que dois-je faire pour mon ventre ? ». « L’homme a moins le désir de plaire. A la limite, s’il a une bonne carte de crédit, ça le rassure plus que d’avoir un ventre plat ! » plaisante le Dr Ohana. « Après, il y a des hommes qui ont une sensibilité esthétique plus féminine. Mais dans ce cas, ils savent parfaitement analyser leurs besoins et souvent mieux que n’importe quelle femme ».
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