1 avril 2023
Dans l’acné, les rougeurs, la chute de cheveux, les pellicules, l’eczéma atopique, etc, quel rôle joue le cosmétique : indispensable, accessoire ou complètement inutile ? Les réponses d’une dermatologue.
Je ne vais pas faire le tour de toutes les pathologies cutanées dans lesquelles les cosmétiques sont utilisés. Il faudrait un livre. Toutefois, il m’a semblé intéressant de préciser le rôle qu’ils occupent réellement dans la prise en charge de la maladie, pour ne pas alourdir l’addition ni la routine de soin inutilement. Evidemment, je parle ici d’affections cutanées courantes pour lesquelles on peut se poser la question de « j’achète ou pas ». Il est évident que dans le domaine de l’oncologie par exemple, il faut absolument pousser l’utilisation du cosmétique, qui joue un rôle capital dans les soins de support apportés aux patients, pour amoindrir les effets secondaires des traitements. Mais il n’est pas aussi utile dans tout, soyons honnêtes, et ne peut donner plus ce qu’il n’a à offrir. Par ailleurs, contrairement au médicament avec lequel il tente parfois de se « benchmarker » (avec possiblement de belles études cliniques, mais réalisées sur un nombre souvent trop restreint de patients pour être réellement significatives), il entraîne un coût (parfois important pour de petites bourses) et bien sûr, n’est pas remboursé.
La place du cosmétique dans l’acné
Le cosmétique est indispensable pour l’hygiène du visage, qui doit être nettoyé quotidiennement avec un pain ou gel sans savon, que vous trouverez facilement dans la gamme dédiée de toute marque dermocosmétique.
Côté traitement, la logique voudrait, puisque l’acné est une maladie, que l’on s’adresse en priorité à un dermato pour se traiter. Mais bon, vu la complexité d’avoir un rendez-vous avec un spécialiste, il est possible de se débrouiller seul avec des cosmétiques appropriés, dans les cas d’acnés légères ou débutantes, c’est-à-dire présentant peu de lésions (en gros, quelques microkystes). « Sur ces dernières, les acides de fruits ont démontré leur efficacité depuis longtemps. Ils sont très intéressants notamment chez l’enfant, chez lequel on ne veut surtout pas irriter la peau » indique le Dr Naima Midoun, dermatologue. On commence par l’application d’une crème traitante 2 fois par semaine pendant 1 mois, puis 1 soir sur 2 pendant un mois, et ensuite quotidiennement si elle est bien supportée. L’urgence dermato ne s’impose que lorsque les lésions s’aggravent, entraînant un risque cicatriciel important, ou que l’enfant se dit très gêné par son acné.
Chez les adultes, l’affection est toujours plus compliquée à traiter. Les lésions de type inflammatoire sont chroniques, douloureuses, gênantes et peuvent laisser des cicatrices en creux ou hyperpigmentées. Ainsi, le traitement, si l’on veut sa réussite, doit non seulement inclure des médicaments mais aussi de la « technique » (à savoir des nettoyages de peaux dermatologiques pour éliminer les microkystes).
Le rôle du cosmétique là-dedans ? Il permet de patienter gentiment, en attendant son rendez-vous. Il est intéressant chez la femme enceinte à laquelle on ne peut pas prescrire grand-chose en dehors du peroxyde de benzoyle. Il s’avère fort utile en période d’été, sachant que pas mal de médicaments contre l’acné (cyclines, rétinoïdes, peroxyde de benzoyle, … ) sont photosensibilisants. Un soin cosmétique très hydratant est indispensable pour compenser les effets terriblement desséchants de toutes ces molécules. Enfin, conserver un soin kératolytique (= exfoliant à base de AHA, PHA, etc) en relais des traitements dermato est toujours une bonne idée.
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La place du cosmétique dans les problèmes de rougeurs (couperose, érythrée, rosacée)
Les problèmes de rougeurs sont si fréquents qu’on a tendance à penser qu’ils sont sans gravité et que des cosmétiques peuvent facilement les régler. Que nenni ! « Je conseille toujours pour ces peaux réactives des produits de toilette spécifiques, formulés sans savon. En revanche, les crèmes présentées comme « anti-rougeurs » n’ont pour moi aucune efficacité. Elles ne vont pas resserrer les vaisseaux dilatés ! Comme dans beaucoup d’affections cutanées, ce sont les médicaments et/ou la technique, avec notamment le recours au laser, qui offrent l’efficacité la plus probante » explique le Dr Midoun. Et puis, il y a rougeurs et rougeurs. Il faut avoir consulté au préalable un spécialiste pour savoir comment bien les traiter. La rosacée, par exemple, est une maladie chronique et évolutive qui peut se doubler d’une atteinte oculaire, vous le saviez ? Seul un dermato saura vous donner tous les bons tips pour mieux vivre avec.
La place du cosmétique dans la chute de cheveux (alopécie)
Une chute de cheveux peut avoir de multiples origines : le stress, la fatigue, les changements de saison, des carences en fer, certaines maladies, la prise de médicaments, une alopécie androgénétique … Bref, avant d’acheter tout produit, il est plus que pertinent de recueillir l’avis d’un spécialiste. « Je ne conseille pas les cosmétiques qui ont pour moi peu ou pas d’efficacité n’atteignant pas le follicule, a fortiori les shampooings. La seule chose qui peut donner des résultats, ce sont les compléments alimentaires à base de vitamines, dans la chute saisonnière. Et encore, ça marche par effet placebo. Je les prescris à mes patients en leur disant que ça leur fera du bien et si cela fonctionne, eh bien tant mieux ! Dans la chute androgénétique, seuls les médicaments Minoxidil et le Finastéride, donnent des résultats. Toutefois, je ne donne plus ce dernier, en raison de ses effets indésirables. Et bien sûr les greffes capillaires » indique le Dr Naima Midoun.
Dès que que la chevelure commence à se dégarnir, inutile donc de perdre du temps avec des poudres de Perlimpimpin : filer au plus vite chez un dermatologue spécialiste du cheveu. Lui seul sera en mesure de dresser un bilan précis de l’état d’avancement de l’alopécie et de proposer des solutions pour stopper de façon effective la chute. Et le conseil est valable aussi pour les dames ! Lire ici : Quels traitements pour l’alopécie androgénétique et Les thérapies cellulaires au secours de la calvitie.
La place du cosmétique dans les états pelliculaires (dermite séborrhéïque, psoriasis, etc)
Ce terme utilisé en cosmétique ne signifie pas grand-chose pour un dermato, les origines des pellicules pouvant être multiples : dermite séborrhéïque, psoriasis, eczéma, teigne ou tout simplement un cuir chevelu sec. Donc, pour savoir ce qu’il faut traiter, il faut d’abord aller consulter ! Vous pouvez, bien-sûr, dans l’intervalle acheter un shampooing anti-pelliculaire. Il ne traitera pas la cause mais vous aidera à faire un peu le ménage.
La seule problématique sur laquelle vous pouvez intervenir sans l’aide d’une blouse blanche, ce sont les pellicules qui apparaissent sur le scalp très sec (état qui s’aggrave d’autant plus avec l’âge). « Mais dans ce cas, pas besoin d’un shampooing spécifique « pellicules sèches ». Un simple shampooing doux suffit. Ce qu’il faut surtout, c’est hydrater le cuir chevelu avec quelques gouttes d’huile sèche, qui vont apaiser immédiatement les démangeaisons », explique le Dr Naima Midoun.
Si vous avez un psoriasis, alors vous savez aussi que le seul traitement valable dans cette maladie inflammatoire chronique, ce sont les dermocorticoïdes. Cependant, les cosmétiques sont intéressants pour l’hygiène quotidienne. Les shampooings traitants à base de kératolytiques, comme les AHA ou l’huile de cade, contribuent à éliminer les plaques érythémateuses, responsables des démangeaisons. « Toutefois, il ne faut pas les utiliser plus d’une fois par semaine ou une fois toutes les 2 semaines, pour ne pas irriter davantage le cuir chevelu et les alterner avec des shampoings doux » indique le Dr Midoun.
Si vous avez une dermite séborrhéïque, le traitement dermato repose sur l’application d’un shampooing antifongique, à base de kétoconazole ou de ciclopirox olamine (à appliquer après le shampoing habituel car il a un rôle traitant et non nettoyant) 2 fois par semaine, pendant trois mois, puis une fois par semaine pendant 3 mois. Des shampooings cosmétiques spécifiques sont proposés dans le commerce, en alternative à ce traitement. Ils flinguent clairement moins la fibre capillaire mais ne sont pas aussi efficaces. En revanche, comme les récidives dans la dermite séborréhéïque sont fréquentes, il est possible de les utiliser en relais du traitement. Autrement, conservez un shampooing à base de kétoconazole par mois pour tempérer les ardeurs du Malassezia. Avantage du médicament : il est remboursé.
Si les pellicules sont apparues à la suite d’un produit irritant (type coloration capillaire), alors c’est un eczéma de contact. Dans ce cas, le cosmétique n’a pas sa place (si ce n’est l’usage un shampooing doux pour ne pas ajouter à l’irritation). Le traitement repose sur l’application de dermocorticoïdes.
Ou une teigne ! Ce champignon transmissible d’homme à homme ou de l’animal à l’homme est bien plus méchant que le Malassezia, de la dermite séborrhéïque ou du pso. Il est responsable de la formation de croûtes (mais ce peut être aussi un simple état pelliculaire diffus) accompagnées d’une chute de cheveux chronique. « Cette année, c’est terrible. Les cas explosent chez les enfants, qui s’échangent bonnets et casquettes à l’école puis contaminent toute la famille. Toutefois, la teigne peut aussi s’attraper par l’intermédiaire de brosses à cheveux parasitées » met en garde Naima Midoun. Là, pas d’autre alternative pour se traiter qu’un double traitement antifongique médicamenteux, par voie orale (terbinafine, fluconazole) + topique (kétoconazole), pendant 2 à 3 mois.
Eczéma atopique
Le traitement de cette maladie chronique repose sur des corticoïdes locaux, que l’on applique en phase aigüe sur les lésions pour calmer l’inflammation et les démangeaisons. Toutefois, le cosmétique joue un rôle d’accompagnement important. La peau atopique étant extrêmement fragile, elle ne tolère, pour la toilette, que des pains surgras. Et particulièrement sèche, elle nécessite une hydratation quotidienne pour restaurer la fonction barrière et prévenir de nouvelles poussées. « Le produit peut être choisi dans des lignes spécifiques pour peaux atopiques, qui sont très bien conçues, ou à défaut, un bon baume hydratant fera l’affaire » indique le Dr Midoun.
L’expert :
Naima Midoun
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