8 septembre 2019 – Mise à jour le 14 juillet 2021
La transition de l’homme vers la femme ou de la femme vers l’homme passe par un protocole de traitement long, éprouvant, étonnant. Voyage au cœur de l’univers « transgender ».
Quand on écrit sur la chirurgie esthétique (ce qui est mon cas, mon site si vous le connaissez pas encore, est entièrement dédié au sujet), nécessairement à un moment on se pose cette question : « Mais au fait, comment, on change d’identité sexuelle ? Et surtout comment on transforme les organes génitaux ? ». Ce n’est pas du voyeurisme. Juste une curiosité « technique », comme j’en ai sur beaucoup d’autres sujets en médecine. Sauf que là, on atteint le summum de l’art chirurgical.
Une récente conférence de presse de la SOFCEP (Société Française des Chirurgiens Esthétiques et Plastiques) qui évoquait « la chirurgie de la réassignation » m’a permis d’entrer en contact avec un spécialiste de ces questions, le Pr Raphaël Sinna. J’ai trouvé le sujet tellement passionnant que je n’avais qu’une envie : le partager avec vous, au risque de choquer les âmes bien pensantes. Ces hommes et ces femmes qui ont fait le choix de changer d’identité sexuelle me paraissent tellement héroïques, qu’ils méritaient bien un coup de projo. Car c’est quelque chose quand même une transformation ! Le parcours est long, compliqué, risqué, honéreux … Rien n’est épargné à ces gens prêts à tout pour devenir ceux qu’ils veulent être.
Mais expliquons plus avant ce qu’est la « transidentité ». Quand on n’est peu concerné par ces sujets, forcément on mélange un peu tout. A commencer par les mots. Dit-on transexuels, transgenres, personnes de genre non conforme ? Selon les concernés, mieux vaut dire « transgenre », car « transsexuel » se rapporte au sexe et non au genre, une terminologie donc restrictive. Quant aux médecins :« Pour ma part, je préfère parler de « dysphorie de genre », c’est-à-dire, selon la définition médicale, l’inconfort et la souffrance liés à la discordance entre l’identité de genre et son assignation sexuelle à la naissance », indique le Pr Raphaël Sinna. Il faut savoir que jusqu’alors, la transidentité était répertoriée dans le DSM (bible des psychiatres) en tant que maladie mentale. On revient de loin sur ces sujets … « Mais c’est en train de changer. La reconnaissance pleine et entière des personnes transgenres par l’OMS sera officielle à compter de janvier 2022 », annonce le Pr Sinna. On imagine facilement la difficulté de vivre sa différence, puis sa transformation, dans ce contexte qui viole littéralement les droits de l’homme.
Mais revenons à nos moutons … La dysphorie de genre apparaît parfois dans l’enfance, mais elle peut aussi se révéler tardivement à l’âge adulte, selon les capacités de chacun à s’affranchir des modèles imposés par la société.
A l’issue de quoi, chacun choisit sa vie et décide (ou non) de recourir à un traitement, pour entrer plus en résonnance avec son moi genré. Ce processus peut passer par différentes étapes, qui n’incluent pas obligatoirement des modifications corporelles, mais passe avant tout par un travail de psychothérapie, et même aussi parfois une thérapie de la voix pour aider les patients à développer les compétences verbales et non verbales adaptées à leur genre.
Quelles sont les étapes d’une transition sexuelle ?
En France, la prise en charge de la transidentité existe depuis la fin des années 70. Et depuis 2010, il existe un parcours de traitement dit « officiel », qui est encadré par Société Française d’Etudes et de prise en Charge de la Transidité (SoFECT). Cette dernière réunit des équipes pluridisciplinaires, comprenant a minima psychiatres, endocrinologues et chirurgiens, lesquels se refèrent pour pratique, aux standards de soins définis par la WPATH (The World Professional Association for Transgender Health Association), association qui rassemble les professionnels pour la santé transgenre au niveau international. La prise en charge se déroule au sein d’unités spécialisées dans neuf centres hospitaliers en France. Mais pour beaucoup de patients, les conditions du parcours sont perçues comme contraignantes, pour ne pas dire dégradantes aux dires des principaux intéressés (une période probatoire d’un an minimum leur est imposée avant de démarrer tout traitement, pendant laquelle les ils doivent vivre dans le rôle et les vêtements de la personne qu’ils veulent être, soit ni plus ni moins jouer les travestis !). « Du coup beaucoup d’entre nous préfèrent se faire traiter « hors parcours », ce qui nous permet de garder la main sur la chronologie des soins et le choix de nos médecins. Mais avant tout, il faut nous procurer l’« ALD31 », le formulaire d’Affection Longue Durée, qui permettra lune prise en charge à 100 % par l’assurance-maladie, tout au moins concernant la psychologie, l’endocrinologie, la chirurgie du visage et la chirurgie de ré-assignation » témoigne Lucy Couture, une femme issue de la transidité. Les autres modifications corporelles (liposculpture de la silhouette, prothèses mammaires, prothèses de fesses, etc..) relèvent pour les administrations, d’actes purement esthétiques, qui ne sont donc pas remboursés.
Lucy, femme issue de la transidentité.
« J’ai oublié mon prénom d’avant. C’est un « dead name » pour moi », explique t-elle.
Quel que soit le type de parcours choisi, ce dernier démarre toujours par un suivi psy, lequel est donc plus ou moins long avant de démarrer l’hormonothérapie féminisante (avec la prise d’œstrogènes et d’anti-androgènes) ou masculinisante (de testostérone), qui va amorcer la transformation physique. Les changements corporels apparaissent au cours des deux premières années. Les patients homme-vers-femme (MtF, en anglais) qui sont trois plus nombreux au sein de la population transgenre), voient leurs seins se développer, la fonction érectile diminuer, les testicules s’atrophier et la graisse corporelle augmenter tandis que les patients femme-vers-homme (FtM) observent leur voix devenir grave, leur clitoris grossir, leur pilosité augmenter, leurs menstruations disparaître, leurs seins s’atrophier. C’est la période « androgyne », au cours de laquelle l’identité sexuelle est encore hésitante. Du coup, les patients mettent tout en œuvre pour estomper au maximum les caractères sexuels trop visibles, comme la pilosité, qui est traquée au laser par les femmes trans, ou les seins qui sont soigneusement camouflés sous des « binders » (brassières taillées dans des tissus très compressifs), pour les hommes trans. C’est le moment aussi, où sont généralement entreprises les interventions de féminisation ou de masculinisation du visage, et Dieu sait qu’elles sont nombreuses : ligne d’implantation capillaire, arcades sourcilières, paupières, pommettes, nez, maxillaires, dents, menton, cou … Tous les actes chirurgicaux sur le visage n’étant pas remboursés, il faut être très argenté si l’on souhaite s’approcher de la perfection !
Puis vient la chirurgie de réassignation ou de réattribuation sexuelle (laquelle intervient, dans le cadre du parcours « officiel » après douze mois de traitement hormonal consécutifs). Elle concerne les organes sexuels et les caractères sexuels secondaires, comme les seins.
Cependant, tous les transgenres ne vont pas jusqu’à cette étape. « Il existe une grande variété de préférences et d’identités sexuelles parmi les transgenres. Chacun mène sa transition comme il le souhaite, selon ses inclinaisons. Par exemple, il est tout à fait possible de se sentir homme dans la tête et d’éprouver du plaisir avec son organe sexuel féminin, et vice versa. Par ailleurs, la chirurgie des organes génitaux est compliquée et irréversible. Tout le monde n’est pas prêt à faire le grand saut », indique le Pr Raphaël Sinna.
Quelles interventions une transformation sexuelle suppose t-elle ?
Dans le sens homme-vers-femme : la transformation implique l’ablation des testicules, de la verge et la création d’un vagin, d’un clitoris, des petites et grandes lèvres, chirurgie d’augmentation des seins par pose de prothèses ou greffe de graisse, réduction de la pomme d’Adam. Voire aussi une augmentation des fesses par implants ou liposculpture, des implants capillaires, une chirurgie des cordes vocales pour modifier la voix si l’hormonothérapie ne l’a pas modifiée de façon suffisante. A noter que nombreux sont les transgenres qui font réaliser leur vaginoplastie en Thaïlande et leur phalloplastie en Serbie, deux pays qui jouissent d’une excellente réputation pour ces types d’interventions.
Comment s’y prend t-on pour créer un néo-vagin ou un néo-pénis ?
Dans le sens homme-vers-femme : « Après avoir retiré l’appareil masculin, on pousse les organes pour créer une cavité entre le rectum et la vessie.Ensuite, on enroule la peau du pénis sur une sorte de gode-miché pour la greffer aux parois. L’utilisation régulière d’un dilatateur vaginal est ensuite préconisée à vie pour conserver la cavité, s’opposer à son rétrécissement » détaille le Pr Sinna.
Dans le sens femme-vers-homme : sont pratiquées l’ablation de l’utérus, des ovaires et des trompes et bien sûr aussi des seins, avec la création d’un thorax d’allure plus masculine, la création d’une verge, d’un scrotum et des testicules. « Toute la difficulté consiste à construire un pénis qui permet d’uriner debout. Il faut pour ce faire, allonger l’urêtre. Le travail de reconstruction de l’appareil masculin se fait à partir d’un lambeau de peau prélevé sur l’avant-bras ou une partie plus cachée du corps. Les grandes lèvres sont utilisées pour façonner le scrotum, le sac qui contient les testicules et le vagin est retiré ou non, selon les désirs du patient », indique le Pr Sinna. Cette intervention ne séduit cependant pas tous les hommes. Certains lui préfèrent une autre technique, la « méta » (pour « métaidoïplastie ») qui consiste à créer une verge à partir du clitoris existant, lequel s’hypertrophie sous l’effet des hormones, atteignant facilement la taille d’un pouce (les trans parlent de « dickclit »). « Il suffit alors d’extraire la partie enfouie du clitoris et de l’avancer » indique le spécialiste.
Et pour les rapports sexuels, comment ça se passe ensuite ?
Les organes génitaux féminins peuvent vraiment avoir une apparence très naturelle. En revanche, comme le vagin est tapissé de peau et non d’une muqueuse, l’utilisation d’un lubrifiant s’avère nécessaire au cours des rapports.
Il est plus difficile de trahir son monde avec un néo-pénis, qui peut néanmoins présenter un aspect très acceptable. Là, vous vous demandez sans doute comment ça se passe pour les érections … Eh bien des prothèses gonflables sont placées à l’intérieur du pénis afin de récréer les corps caverneux. Une pression sur la pompe qui est cachée dans l’un des testicules avant la pénétration et hop, elle se tend ! Evidemment, il n’ y a pas d’éjaculation. La magie des chirurgiens s’arrête là.
A noter que l’identité de genre n’a rien à voir avec l’orientation sexuelle. Une grande partie des transgenres est homosexuelle.
Le plaisir est-il possible avec des organes génitaux créés de toutes pièces ?
« Oui. Il faut savoir qu’à la base, les appareils génitaux féminin et masculin ont la même origine embryologique. Il y a, dans le clitoris, des corps caverneux comme dans la verge. C’est sous l’imprégnation hormonale que les organes sexuels vont ensuite se différencier, mais ils partageront toujours la même base commune. Par ailleurs, le sexe masculin est reconstruit à partir du clitoris, qui garde malgré l’opération toute ou partie de sa sensibilité. Et le néo-clitoris est reformé à partir du gland du pénis dont on a conservé l’innervation intacte. L’orgasme reste donc possible, mais via le clitoris, pas le vagin » explique le Pr Raphaël Sinna.
Est-il possible d’imiter l’apparence de l’homme ou de la femme biologique au point de se tromper ?
Il y a aura toujours une limite à l’exercice. On ne peut malheureusement pas faire grand-chose contre une carrure ou une taille d’athlète, des grands pieds ou une peau très épaisse (qui ne permettra pas d’obtenir un nez très féminin, par exemple). Certaines transformations restent cependant incroyablement bluffantes, comme les top models Lea T, Andreja Pejic, Valentina Sampaio ou encore la personnalité américaine Chaz Bono (fils des artistes Sonny et Cher).
Et pour le changement d’état civil des femmes et hommes trans, ça se passe comment ?
Il n’est pas nécessaire d’avoir subi des traitements médicaux pour demander le changement, qui est possible pour toute personne majeure ou mineure émancipée. A elle de réunir les preuves et les attestations de l’entourage qui emporteront la conviction du juge.
Tous mannequins célèbres et tous issus de la transidentité. De gauche, à droite : Valentina Sampaio, Geena Rocero, Lea T, Benjamin Melzer, Laith Ashley, Aydian Dowling.
Laisser un commentaire